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Reflets N°26 – A la reconquête de sa féminité

16 02 2018

 

Les débats actuels sur le couple et la famille témoignent d’une confusion des idées à propos de la différence des sexes… Qu’est ce que c’est vraiment être un homme, une femme ? Comment s’épanouir en tant que tel(le)?

Force est de constater que nous sommes tous conditionnés par notre histoire et ce conditionnement est un carcan qui freine notre épanouissement !
Pour moi le rendez-vous a eu lieu alors que j’étais toute jeune maman. Dans cet instant suspendu, arrêté, une question s’est alors imposée à moi en tant que femme : « Comment sortir du carcan, comment m’épanouir dans mes relations, mon intimité, ma sexualité ? ». J’étais tiraillée entre mes élans de vie, d’intensité, d’audace et de liberté d’une part et ma vigilance à ma sécurité de base !
Mon parcours m’a amenée à la psychanalyse corporelle et aujourd’hui, formée à cette technique, c’est un recul sur l’expérience d’accompagnement de centaines de femmes par mes prédécesseurs et moi-même qui me permet de pousser le questionnement et les observations plus loin.
Le principe de la psychanalyse corporelle est de donner la parole au corps pour revivre les instants clés du passé qui ont forgé notre personnalité. Ces sommets de douleur (le plus souvent d’ordre psychique, parfois même anodin pour un témoin observant l’instant de l’extérieur), nous les appelons traumatismes tant ils impactent une liberté d’être de l’enfant qui va alors renoncer à une part de lui-même.
Ces instants sont toujours décisifs car l’enfant, pour garder son équilibre émotionnel et psychique face à des circonstances qui le mettent dans une tension insoutenable, va devoir lui-même faire disparaître sa manière naturelle d’être, de voir et d’interagir avec le monde et les humains.
Dans ces rendez-vous, force m’est de constater que toutes, nous avons été blessées dans notre féminité, peu importent l’âge et les circonstances extérieures parfois teintées d’une place familiale déterminée à la naissance ou parfois de modalités des premières expériences sensuelles ou sexuelles, mais dans tous ces cas, la petite fille a intimement été brisée et a choisi un comportement qu’elle pense adéquat pour la famille ou pour se protéger de l’autre.

Les quelques témoignages ci-après, volontairement résumés, ne peuvent rendre compte de toute la richesse et de la qualité des détails que décrivent les traumatismes revécus. Dans tous les cas, on observe une folie de la situation pour l’enfant, dans ce qu’il en perçoit le poussant in fine, pour sauver son être, à choisir un camp définitif, une partie restreinte du monde qui déterminera une féminité particulière.

A la naissance :

Sage, invisible et sans envies
« Je ne veux pas peser pour ma maman, Maman pense à la honte d’avoir accouché d’une fille. (Je suis la troisième). Elle ne me désirait pas et en plus je suis une fille. Elle aurait voulu faire plaisir à papa, avoir un garçon pour que sa descendance soit assurée.
Je veux être sage comme ma sœur pour que je puisse rester près d’elle. Je décide de rester petite, recroquevillée, sans déranger, bien élevée pour que ma maman soit fière de moi et que mon papa l’aime ».

Un vrai garçon manqué
« L’infirmière est comme toutes ces femmes, dure dedans, technique, pour que l’hôpital fonctionne bien! Je ne veux pas qu’elle m’approche. Elle m’a posée, c’est trop froid. J’ai peur qu’elle me tue comme l’aiguille ( il y avait eu tentative d’avortement pendant la grossesse)… Elle m’enfonce un tuyau dans la gorge pour retirer les glaires et le méconium.
Je ne serai jamais d’accord avec cette loi de haine, de femmes mises en boîte. Je ne veux pas rentrer dans ce « clan », je ne serai jamais une fille ! Je suis révoltée !
Non ! je ne serai jamais de ce clan. Je ne veux pas de sa brassière jaune qui m’étouffe. Jaune parce que ma mère espérait encore un peu que je sois un garçon !

Dans la petite enfance : (entre 1 jour et 5 ans)

Froide distante et frigide
Le soir où j’ai éteint la sensualité en moi, j’étais dans un moment d’amour tendre avec mon papa, il me berçait à la cuisine, il jouait avec moi, il me tenait dans ses bras, c’était doux et merveilleux. Maman est entrée et a dit « c’est pas le moment de faire ça, c’est le moment du bain! » et elle m’a arrachée de ses mains avec mépris. Mon papa s’est senti écrasé Alors le soir il s’est vengé sur maman en la forçant à faire l’amour… Elle s’est laissée faire jambes écartées, résignée mais distante comme quand elle s’est faite abuser quand elle était petite et qu’elle n’a rien pu dire et s’est coupée du ressenti pour ne pas avoir mal… Oui je perçois tout ça depuis mon petit lit dans ma chambre ».

Les larmes coulent tant elle est touchée par cette maman soumise comme elle l’a appris depuis toujours – Puis elle reprend très émue « Oui, c’est bien comme ça que j’ai décidé de ne plus jamais ressentir le plaisir d’être touchée par papa ni aucun homme pour ne plus faire de peine à ma maman. Je me suis tellement sentie coupable d’avoir provoqué cette relation sans amour ».

Traumatisme de l’enfance : (entre 5 et 10 ans)

Frigide et sans enfant
« Je suis pétillante avec lui. Je veux lui faire plaisir. Je sens une petite fille qui maîtrise, qui sait faire. Je me frotte à lui comme j’ai vu maman faire… C’est les femmes qui décident ! Sauf que j’ai fait comme une femme, sans en être une !
J’ai tout cassé, il a eu honte de voir qu’il a dérapé avec sa fille.
Alors je deviens une loque. C’est mieux de ne pas savoir faire, parce que être compétente, c’est dangereux, ça détruit… je n’aurai plus de plaisir et je choisis de tuer mon ventre il ne portera pas la vie… je n’aurai jamais d’enfant. »
Sans entrer dans le détail de chaque cas, le processus de réconciliation pour chacune de ces femmes en quête d’épanouissement a été de retrouver les circonstances complètes du traumatisme depuis l’intimité de chaque protagoniste. Percevoir le désarroi de l’adulte, les circonstances malheureuses où il a perdu la tête, où il était lui-même manipulé par son propre passé, a permis un réel apaisement et un vrai pardon pour l’adulte tellement maladroit en amour. Revivre intimement le sens profond de ce renoncement pour l’enfant est une réelle piste d’apaisement et une porte enfin ouverte vers une autonomie possible affranchi de ce conditionnement restrictif.
Devant la grâce de ces réconciliations atteintes, devant la sincérité et la compassion dont je suis sans cesse témoin, j’en arrive au concept d’une humanité certes maladroite où tant de femmes sont marquées dans leur féminité… Mais serait-il imaginable que la vie ait une visée plus haute dans une faculté d’être si ample comme la vivait la petite fille, sensuellement vivante et libre, laissant seulement une trace enfouie, infime en chacune, appelant une reconquête de cette plénitude d’être pour, adulte, retrouver une vraie féminité et la célébrer consciemment ?

Catherine Berte,
docteur en sciences et professeur de génétique,
psychanalyste corporelle membre de l’IFPC -Institut Français de Psychanalyse Corporelle ® -.
Forgée à l’investigation scientifique, elle propose un véritable accompagnement pour profiter de chaque histoire revécue. Elle est co-auteur du dernier livre Ni bourreau ni victime, les apports de la psychanalyse corporelle ( Edit’As 2009).

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