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La Lettre 26 – juillet 2021

04 07 2021

 

Dans la continuité de notre précédente lettre “Abus et psychanalyse corporelle”, voici le témoignage courageux et touchant d’un homme et une femme dont nous avons changé les prénoms. Ils vivent en couple et ont tous deux terminé leur cure de psychanalyse corporelle.

Mieux maimer pour mieux taimer

 

Les amants, René Magritte

 

François 72 ans et Zoé 68 ans, en couple depuis 41 ans, auraient pu terminer leur vie sans se remettre en question, abandonnant peu à peu leur désir d’une vie meilleure ensemble. Pourtant leur cure de psychanalyse corporelle allait tout changer. 

Cette quête de sens leur a permis de retrouver une vie à deux épanouie plutôt que d’être malheureux l’un à côté de l’autre.

En outre François a découvert au cours de sa cure un abus dont il a été victime adolescent et dont il a pu se libérer, pour se réinvestir dans sa vie de couple et dans sa foi.

Pour Zoé, accéder au monde de sa maman jusqu’à comprendre l’inceste dont elle a été victime lui a permis de retrouver toute sa pétillance et sa joie de vivre dont elle était privée depuis plus de 50 ans. Elle a repris pied dans son couple et sourit aujourd’hui des agacements du quotidien quand ils se présentent, loin des drames d’autrefois.

Pourriez-vous en quelques mots nous dire ce qui vous a amené il y a quelques années à entreprendre une psychanalyse corporelle ?

F. La décision d’entreprendre une psychanalyse corporelle est venue à la suite de plusieurs dizaines d’années de travail sur moi de différentes manières : haptonomie, thérapie individuelle verbale et en ateliers collectifs de parole, rebirth, abandon corporel, tai-chi, jeûne et randonnée.

Je souhaitais par ces recherches résoudre des problématiques d’une vie personnelle difficile. J’ai décidé de suivre une cure en psychanalyse corporelle pour deux raisons majeures :

– des récurrences d’envies suicidaires qui pouvaient durer de quelques jours à quelques mois auxquelles je n’avais pas trouvé remède ;

– sans mesurer ce que cela pouvait représenter, j’étais depuis le collège touché par une phrase que j’avais lu dans mon livre d’école : « connais-toi, toi-même et tu connaitras l’Univers et les Dieux. »  Je voulais me connaitre mieux.

Z. J’ai commencé une cure en psychanalyse corporelle car après des années de travail sur moi, il persistait une forme d’emprise de ma mère sur ma vie quoi que je fasse. Il y avait une culpabilité latente qui ne me quittait pas. C’est par les « Dialogues avec l’ange » de Gitta Malasz qui m’ont toujours nourrie, que j’ai fini par découvrir l’existence de la psychanalyse corporelle. Après avoir assisté à une conférence de deux psychanalystes corporels à Paris, mon mari et moi avons choisi chacun un des deux et avons commencé une cure.

Vous avez fini votre cure, pourriez-vous nous dire quels sont les « avant » et les « après » votre psychanalyse corporelle qui vous semblent flagrants

F. J’ai terminé ma cure il y a 5 ans. Plus jamais depuis je n’ai été face à des plongées suicidaires. Tous les jours, je rends grâce à la VIE de m’avoir soutenu pour ne pas en finir avec elle ! Et surtout, j’ai eu un éclairage et posé un sens sur des étapes de ma vie qui ont pu être chaotiques et m’étaient restées incompréhensibles. Si je devais résumer le résultat : c’est une véritable métamorphose et même plus que cela - une résurrection ! Moi, qui ai grandi dans la religion catholique, j’ai souvent été interpellé et perplexe devant cette réalité de la résurrection. Aujourd’hui j’en mesure mieux le mystère que je sens circuler dans mon corps, dans mes veines. Et cela persiste au bout de 5 ans et me conduit régulièrement dans un état de « Merci la vie » ! Après chaque session qui était une véritable descente dans mes enfers, je mesurais combien dans mon quotidien je gagnais en mieux vivre et en apaisement. Et cela m’a vraiment stimulé pour ne pas abandonner face aux nombreuses difficultés que j’ai dû traverser pendant la cure. Oui ! Le résultat est allé bien au-delà de mes attentes. Pendant l’exploration du traumatisme de ma naissance, j’ai vécu d’être par mes parents un enfant de l’Amour, Quel Cadeau !

Z. Un « avant » et un « après » évidents. Enormes. J’ai découvert, surtout en revivant le traumatisme de la naissance, où prenait source la haine que je ressentais de ma maman à mon encontre. J’ai pu prendre conscience de comment cela s’était noué, d’où lui venait ce besoin de me supprimer avec des tentatives de passages à l’acte. C’était libérateur de me rendre compte que je portais cela dans mon corps, que ce n’était pas moi qui était nulle, coincée. Et en même temps, je me suis rendue compte que j’ai vécu les expériences d’un humain banal. Cela m’a aidé de mettre ma maman à sa juste place, de réaliser sa folie et de la lui laisser.

La psychanalyse corporelle m’a aidé à revivre l’état d’enfance : cette joie profonde et cette spontanéité de vivre que j’avais complétement oubliées ! Cette pétillance persiste dans mon quotidien. J’ai aussi retrouvé cet état d’amour inconditionnel d’enfant pour ma maman qui m’aurait fait tout supporter pour la soutenir.

J’ai aussi découvert à quel point j’étais aimée et soutenue par le divin et cela fait qu’aujourd’hui je vais très bien car j’ai ces appuis-là. Sans la psychanalyse corporelle je n’aurais jamais eu accès à ça.

 

La nuit étoilée sur le Rhône, Vincent Van Gogh

Vous vivez en couple depuis plus de 40 ans. Qu’est-ce que la psychanalyste corporelle a apporté à votre vie de couple ? 

F. Je rends grâce de la façon dont cette cure a transformé notre relation de couple qui a parfois pu être très douloureuse. Pendant plusieurs années je me suis demandé quand j’allais avoir enfin le courage de partir. J’ai découvert que chaque jour était le premier jour de notre relation. J’ai arrêté de vouloir comprendre, et j’ai accepté d’en vivre le mystère que la vie me donne de cela. Les problématiques liées au couple sont devenues de moins en moins difficiles à résoudre. De plus en plus j’ai pu m’apercevoir que j’étais dans des réactions liées à mon histoire traumatique. C’était une grande chance que nous fassions chacun notre cure en parallèle.

La relation que j’ai avec mes 4 filles se trouve aussi apaisée et enrichie. Pourtant je n’ai pas toujours été un papa top !

Z. Au début de notre couple, nous avions un fonctionnement très névrotique. Chacun dans son histoire tortueuse. La psychanalyse corporelle nous a permis à chacun de retomber sur ses pieds, de prendre sa place et de respecter la place de l’autre. Nous avons appris à jouer avec nos énervements. On peut les exprimer en en riant intérieurement. Avant, ça pouvait durer 10 ans de rancune ! Il y a beaucoup plus de joie, de légèreté et de respect. Le fait que l’on vive cette démarche en parallèle fait que chacun est un peu le maître de l’autre. On s’entraide et on continue de se faire miroir pour avancer.

Nous vivons une actualité faite de multiples dénonciations d’abus en tous genres. Il nous semble cependant que dénoncer ne suffit pas pour se reconstruire. Selon votre expérience, comment est-ce que la psychanalyse corporelle peut participer à reconquérir un mieux vivre après un traumatisme sexuel dans l’enfance ou l’adolescence ? 

F. J’ai subi lors de mon collège où j’étais scolarisé pour devenir prêtre moi-même un abus par un prêtre. Cela m’a plongé dans un état de pétrification intérieure. Lors d’un travail d’abandon corporel en 1998, j’ai pris conscience de cet état intérieur devenu entre-temps une deuxième nature. Heureusement que l’oubli avait frappé. Je l’ai payé très cher. Je n’avais plus aucun souvenir de cet abus. Pourtant cela m’avait amené plus tard à quitter le séminaire. Aujourd’hui ces réalités viennent sur la place publique. C’est très important que ces choses soient dites même si parfois, hélas, elles sont dites de façon maladroite et pas juste. L’expérience que j’ai faite par la psychanalyse corporelle et qui est difficile à être entendue sans doute dans notre monde, est de redécouvrir cela dans mon histoire et dans l’étape ultime (niveau 7) d’exploration de ce traumatisme de l’adolescence d’avoir eu accès à qui était cet homme abusant de moi. Cela m’a fait traverser un état de pardon qui est incompréhensible par bien des aspects de notre monde. A chaque fois que cet état de pardon revient dans ma mémoire, je réalise à quel point il m’a délivré de la haine qui me dévorait. La psychanalyse corporelle a la puissance de permettre cela sans enlever nullement la reconnaissance de ce qui a eu lieu. Plein d’événements de ma vie ont ainsi pris sens.

Il est difficile de faire sentir, de partager ce que cela veut dire pardonner en psychanalyse corporelle. Pour l’avoir vécu dans mes cellules, il m’a délivré de la haine, de la honte, de la culpabilité, de la colère et me fait me réveiller tous les matins en étant heureux de vivre. Il y a une dimension spirituelle qui s’est ravivée et revitalisée en moi cette dimension est inhérente à chaque être humain et pour moi aucune institution ne peut y donner réponse. Je ne cherche pas à convaincre de pardonner, mais à témoigner simplement ce que je vis aujourd’hui, et surtout écouter avec compassion ceux qui n’ont pas encore accès à cet état de pardon. Sans perdre ma joie de vivre, il m’arrive de pleurer intérieurement de tant de misère et de souffrance dans le monde.

Z. Le passage à l’acte incestueux de ma mère quand je suis petite fille fait pour moi partie de cette banalité humaine dont je viens de parler. Je n’ai jamais ressenti le besoin de dénoncer quelque chose qui s’explique par sa pathologie que j’ai pu approcher le plus près possible. Si je me sens très apaisée avec le fait en lui-même et avec ma mère, le revécu traumatique n’efface pas d’un coup de baguette magique la mémoire du corps, il l’a juste mis à la lumière, ce qui est déjà beaucoup.
L’inceste maternel est aujourd’hui encore un tel tabou sociétal que je me sens comme mise à part de ces mouvements d’actualité. Ce déni sociétal me questionne, c’est comme si cela n’existait pas.

Reste la question du devenir du secret familial. Je ne sais pas si du fait d’avoir traité cet indicible à mon niveau, le poids transgénérationnel s’en trouve allégé pour mes filles ou petits-enfants. Je l’espère !

Comment avec vos mots vous définiriez la psychanalyse corporelle ? 

F. C’est UN des chemins de réconciliation avec soi-même. Je ne dis à personne « c’est cela qu’il faut que tu fasses » mais chacun, s’il le souhaite, peut rentrer dans ce chemin de connaissance de soi, s’il a l’audace d’aller rencontrer sa réalité, aussi sombre soit elle, car ce chemin mène à la lumière.

Z. La psychanalyse corporelle permet d’aller rencontrer en vérité ce qui nous a fabriqué. Ce n’est pas dans le mental ni dans l’imagination. Ce que j’aime beaucoup c’est que l’on cherche 4 moments précis et cela est très rassurant car ça a un début et une fin.

Propos recueillis par Daniela Litoiu

 

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