Partie Trois : Sept niveaux de revécu – «… tout bascule»
Dans les numéros précédents, vous avez pu découvrir le point de vue d’un kinésithérapeute, puis une information sur les différents traumatismes fondateurs de notre personnalité(1). Aujourd’hui, vous pourrez visiter les sept niveaux de profondeur de cette technique d’investigation du passé en suivant le cas concret d’Elise. Dans sa recherche en P.C., elle a retrouvé tout l’effroi du bébé de deux mois qu’elle a été ! Pourtant au sommet de cette douleur, tout bascule : des larmes d’amour coulent tant elle a accès à la détresse de cette maman déroutée par les événements…
Dans les premières séances de psychanalyse corporelle, Elise découvre le premier niveau de lapsus corporel, le spasme sans sens. C’est comme un sursaut qu’elle attend à chaque début de séance, qui lui échappe et se répète. Elle l’accompagne ensuite jusque dans une tension abdominale associée à un effondrement thoracique: c’est l’entrée en confidence du corps dans les premiers mouvements involontaires. Loin de toute perte de conscience, c’est l’expérience du « lâcher-prise ». Cette première étape est souvent ressentie comme une expérience positive. Enfin le corps peut s’exprimer c’est dans ces premiers balbutiements qu’il le fait. Enfin la tête lâche, enfin la personne peut se laisser aller.
Au fur et à mesure des séances, les lapsus deviennent plus profonds, son corps se met à raconter des bribes avec un engagement croissant : ses bras se replient poings serrés. Pendant le temps de verbalisation qui suit la séance, elle décrit des instants pêle-mêle comme des photographies de famille, des courts métrages où elle endure les efforts permanents qu’elle doit faire pour être un enfant modèle pour exister dans cette famille. Ce sont les niveaux trois et quatre de la psychanalyse corporelle. Ici on accède aux couches symboliques de la mémoire psychique.
Dans les deux niveaux suivants, au cours des sessions successives, Elise a maintenant des gestes concrets : elle est sur le dos et joue avec ses mains. Ensuite elle a les jambes repliées, elle pleure pour appeler sa maman. Ses articulations rentrent peu à peu dans des tensions intenses exprimant déjà les douleurs psychiques qu’elle vit. Dans la verbalisation, elle retrouve sa petite enfance – deux mois après sa naissance. Avec de nombreux éléments concrets, l’essuie bleu avec une girafe sur lequel elle est posée après le bain, la présence tendre du papa habillé en pyjama à motifs damassés beiges, son petit lit à barreaux blancs.
Au dernier niveau de revécu, Elise a le poignet droit complètement fléchi, dans un conflit articulaire intense. Cet ultime lapsus corporel quasi insoutenable manifeste le conflit psychique qui l’habite.
Après la séance, elle exprime toute la douleur de la situation qu ‘elle vient de revivre … Tout avait pourtant commencé dans un moment si tendre!
Ce matin là c’est son papa qui l’a lavée. C’est un tel bonheur de sentir tout l’amour qui les unit, la tendresse des gestes. Elle a retrouvé tous les élans du petit bébé plein de sensualité.
Quand sa maman arrive, elle la sent fermée, fatiguée. Elle voudrait tant l’amener avec eux dans cette tendresse. Sa maman est prête à la langer et Elise se met à faire pipi. C’est bon de sentir cette chaleur sur son ventre et ses petites cuisses. Mais Elise le sent, sa maman est furieuse devant ce bébé qui fait pipi sur elle avec un plaisir évident. Alors elle frotte ce ventre et ce sexe de plus en plus fort. Elle est devenue folle. Elise sent toute l’histoire de cette maman, aînée de huit enfants soumise aux travaux d’entretien pour toute la famille, elle qui n’a pas pu faire d’études, ni de musique parce qu’elle était une fille… méprisée par ses frères qui avaient droit à la formation, aux loisirs ! Elle était devenue une femme de devoir assumant la famille et reniant toutes ses envies.
Elise reçoit une terrible leçon dans cette toilette si rude… il lui faudra enlever toute trace de chaleur et de plaisir… elle devra dorénavant tout cacher !
Pendant que sa maman la talque, Elise frôle da déraison: il y a d’un côté, cette sensualité si vivante, mais qui va lui faire perdre sa maman et de l’autre, la femme forte, la femme de devoir: une façade bien rangée pour pouvoir rester dans cette maison! Ces deux mondes ne peuvent pas coexister. Alors dans un choix déchirant, et pour être aimée de cette maman, Elise renonce à sa dimension de petite fille pleine de vie, elle fait le sacrifice de sa féminité. Elle raconte alors avec des larmes si touchantes : «si vous saviez comme elle souffrait cette petite maman, elle était tellement débordée au milieu de tous ces langes à laver, elle avait tellement renoncé au plaisir alors que mon papa était occupé au dehors !»
A ce niveau le plus profond de la psychanalyse corporelle, il n’y a plus ni victime ni bourreau. En effet, ce personnage n’est rien d’autre qu’un gentil papa ou une gentille maman qui a fait tout ce qu’il pouvait, avec lui aussi une histoire ancienne tellement pesante et ses limites d’amour. Et c’est véritablement ce niveau de revécu et de compréhension qui va permettre d’innocenter et de nous réconcilier en profondeur avec tous les personnages-bourreaux que nous reproduisons dans notre quotidien (2).
Dans le prochain numéro : le témoignage d’Elise
Catherine Berte Docteur en sciences – psychanalyste corporelle |
Jean-Michel Lasbouygues Kinésithérapeute – psychanalyste corporel |
(1) Montaud et al, La psychologie nucléaire, un accompagnement du vivant, Éd. Édit’As, 2001
(2) Duret et Montaud , Allô mon corps…Fondements de la psychanalyse corporelle, Ed. Edit’as 2005
Pour plus d’informations : Séminaire de présentation à Bruxelles le samedi 24/03/07
Contact pour la Belgique: : Catherine Berte Tél : 068 / 57 02 11
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